Le ministère de la Transition écologique veut instaurer, dès 2025, un système de bonus-malus sur les performances de tri des emballages. En tant que président du Syctom, qui regroupe 82 communes franciliennes, Corentin Duprey dénonce une mesure à la fois injuste et contre-productive.

Les pouvoirs publics ont présenté les premières pistes d’un plan de bonus et de malus destiné à inciter les collectivités et les éco-organismes à améliorer les performances de tri. Les conséquences financières pourraient être très lourdes. Concernant les collectivités, le projet présente, en effet, la possibilité d'un malus de 800 euros par tonne d'emballages en plastique non collectée par rapport aux objectifs de recyclage.

Ce malus, qui prendrait la forme d'une restitution des soutiens perçus, réduirait ainsi fortement les fonds versés aux collectivités les moins performantes. À l'inverse, un bonus serait créé pour inciter les éco-organismes à financer le plus rapidement possible les dispositifs d'amélioration des performances de tri. « Comment peut-on espérer que les performances s'améliorent en diminuant les soutiens ?  Pour exemple, les montants versés par Citéo* représentent, en 2024, 45 millions d'euros. Avec un malus qui s'élèverait à 28 millions d'euros en 2028-2029, c'est donc les deux-tiers des soutiens qui seraient amputés. Une trajectoire confiscatoire totalement impensable, d'autant qu'on ne s'attaque pas au sujet principal qu'est la production de déchets ! », s’indigne Corentin Duprey.

Un dispositif qui obligerait à diminuer les budgets consacrés à la prévention

« En ce qui concerne le Syctom, nous serions contraints de faire des économies sur les seules dépenses auxquelles on peut toucher, c’est-à-dire celles dédiées à la prévention. Les dépenses d'exploitation sont incompressibles et il est impossible également de réduire les investissements, car nos infrastructures doivent être modernisées pour être plus performantes. Certains équipements manquent également pour mailler le territoire du Syctom, avec notamment le besoin d'un centre de tri supplémentaire dans la zone sud-ouest.»

L’Île-de-France est la région la moins performante en matière de tri, derrière la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Un tableau qui ne reflète néanmoins pas les différentes réalités territoriales : « La métropole parisienne cumule des conditions défavorables : densité de population, habitat collectif prédominant, tourisme, consommation hors-domicile bien plus prononcée qu'ailleurs, mobilité résidentielle très élevée, etc. »

Des leviers d’actions possibles pour les collectivités, mais qui doivent être soutenues

L'augmentation des fréquences des collectes constitue un levier efficace pour améliorer les résultats. Paris vient ainsi de passer de deux à trois collectes par semaine, avec un effet immédiat en termes de volumes captés. « Mais le coût est très lourd. »

Un enjeu-clé peut être également le développement de la collecte hors-foyer : « On a vu pendant la période des Jeux Olympiques et Paralympiques que des solutions pouvaient fonctionner… à la condition d'y mettre les moyens et d'accompagner les collectivités locales qui ne peuvent agir seules sur ce sujet. »

La question de l'efficience des filières de responsabilité élargie du producteur (REP)

Pour le président du Syctom, « Il est temps de soulever la question de l'efficience des filières de Responsabilité Elargie du Producteur (REP)**. Le rapport de la mission IGF-IGEDD divulgué en juillet dresse un constat sévère et formule des propositions, tant en matière de gouvernance des REP, que sur des modes de calcul des soutiens plus en phase avec les coûts réels. Sur le territoire couvert par le Syctom, le taux de couverture par la REP emballages et papiers des coûts de collecte et tri se situe autour de 21 %. Un faible taux imputable à la fois à des coûts plus élevés qu'ailleurs et à nos « mauvaises » performances. »  

Pour rappel, le barème de la REP est déjà un dispositif « à la performance » (plus le territoire trie, plus il perçoit de soutiens) : « Alors un malus supplémentaire, cela serait une double peine ! »

* Responsabilité Elargie des Producteurs: inscrit dans le code de l’environnement, il signifie que le producteur ou distributeur est responsable de, et finance, l’élimination des déchets provenant de leurs produits.

** Citeo est une entreprise à mission créée par les entreprises du secteur de la grande consommation et de la distribution pour réduire l’impact environnemental de leurs emballages et papiers, en leur proposant des solutions de réduction, de réemploi, de tri et de recyclage.