Vous avez été élu à la tête du Syctom en juillet 2022. Quel est votre état d’esprit?
Je suis déterminé, enthousiaste, réaliste et impliqué à la fois. Déterminé à mener à bien ce mandat au service des habitants et du territoire. Réaliste au regard des responsabilités qui m’ont été confiées et des défis que nous avons à relever collectivement. Enthousiaste car je mesure aujourd’hui de plus près le haut niveau d’expertise et d’engagement des équipes du Syctom et au service d’élus tout aussi mobilisés. La combinaison de toutes ces forces est très motivante.
Impliqué, enfin, car j’ai l’honneur d’être le président d’une institution dont les missions sont au cœur de la question essentielle du traitement et de la valorisation des déchets à plusieurs titres : sur le plan financier pour maîtriser la facture des collectivités et donc des usagers ; sur le plan technologique pour développer des outils innovants afin d’assurer un traitement efficient et durable des déchets ; sur le plan humain pour renforcer les prises de conscience et construire ensemble des politiques d’actions efficaces ; sur le plan sociétal pour consolider les fondements d’une transition écologique et énergétique à la fois nécessairement ambitieuse et tenant compte des réalités territoriales.
Comment abordez-vous l’enjeu de la transition écologique dans le secteur des déchets?
Vouloir agir sur le devenir des déchets, comme le fait le Syctom, en pensant un cycle de vie des déchets plus responsable, c’est avoir un impact direct sur la lutte contre le dérèglement climatique, sur la protection de la biodiversité et sur la préservation des ressources. Dans cette logique, notre priorité est de mettre un terme à l’enfouissement des déchets qui participe à la pollution des sols.
Aujourd’hui, 3 % des ordures ménagères résiduelles produites sur notre territoire sont enfouies. C’est 3% de trop. Demain, je veux que cette pratique - coûteuse pour des raisons à la fois écologiques, économiques et morales - ait complétement disparu. Je me refuse, comme tous les élus du Syctom, à laisser aux générations futures une addition écologique qu’ils ne seront pas en mesure de payer… Il y a donc urgence à agir maintenant, ensemble et efficacement.
Il s’agit, dans la même logique, de réduire les déchets générés. C’est un véritable défi puisque, dans le même temps, la population de notre territoire va continuer d’augmenter. Nous devons changer de paradigme au moyen de politiques de prévention et de sensibilisation structurées, dotées de moyens et plaçant chacun face à ses responsabilités : le Syctom, les industriels, les collectivités et les habitants.
En parallèle, nous devons amplifier nos efforts sur la valorisation des déchets en matières premières secondaires et en ressources. À ce titre, il faut continuer à œuvrer pour assurer la performance de nos unités de valorisation énergétique. Il importe, enfin, d’accorder une attention toute particulière à l’empreinte carbone engendrée par le transport des produits et matières issus de ces unités vers les filières de reprise. L’enjeu est de s’appuyer sur les mobilités alternatives décarbonées, à commencer par les frets fluvial et ferroviaire.
Comment l’élu que vous êtes perçoit-il le rôle du Syctom aux côtés des territoires?
Le Syctom n’est pas un outil ex nihilo. Sa raison d’être, c’est de répondre aux besoins et attentes des onze territoires de la Métropole du Grand Paris qui lui ont délégué la compétence du traitement et de la valorisation des déchets. Il est donc primordial d’associer étroitement les élus, notamment par l’intermédiaire des délégués syndicaux, dans un esprit de concertation et de coopération. Aussi, des contrats d’objectifs formalisent le lien entre le Syctom et ses territoires, avec un engagement sur des objectifs chiffrés de collecte et de tri à atteindre. Pour l’heure, trois contrats ont été votés, deux signés. Il importe à court terme de poursuivre cette contractualisation avec le reste de notre territoire.
Je vais, par ailleurs, proposer aux élus la refonte des statuts du syndicat pour parvenir à une meilleure représentativité tenant compte des évolutions démographiques. Cette refonte s’appuiera sur les réflexions d’un groupe de travail dédié, chargé de recueillir les avis des présidents des Établissements publics territoriaux (EPT).
Début 2023, un séminaire des élus donnera aussi l’occasion de présenter aux présidents des EPT et à leurs représentants la vision stratégique du Syctom à horizon 2050.
Prochainement, je rencontrerai chaque président d’EPT pour recueillir ses attentes et lui faire part de notre engagement concret pour l’accompagner dans ses politiques publiques axées sur la réduction des déchets ou dans la formalisation des messages de prévention/sensibilisation associés. Je pense, en particulier, à l’obligation d’instaurer le tri des biodéchets à la source dès le 1er janvier 2024.
Quelle sera la feuille de route du syndicat et les chantiers que vous jugez prioritaires ?
Premièrement, la fin de l’enfouissement au plus vite. Deuxièmement : la réduction du volume de déchets générés. Troisièmement : l’optimisation de la valorisation des déchets. Avec, en toile de fond, une politique de prévention et de sensibilisation réaffirmée qui tiendra compte des réalités locales.
Nous fixons des objectifs ambitieux et nécessaires en termes de réduction des tonnages et de valorisation. Il nous faut aussi limiter au maximum les coûts pour les collectivités. Nous devons veiller à une gestion optimisée des ressources à un moment où les territoires sont dans des situations financières particulièrement contraintes et où ils se voient progressivement amputés de leurs recettes fiscales. Gardons bien en tête que ce sont les habitants des territoires qui, au final, paient le coût de la collecte et du traitement des déchets. Dans une période où l’inflation bat des records, où le prix de l’énergie augmente de manière inédite, il serait dangereux - pour ne pas dire intenable - de demander aux habitants de payer davantage pour la prise en charge de leurs déchets.
Sur le plan des grands projets structurants, je note deux actions prioritaires, à l’horizon 2025, pour mettre en adéquation les besoins territoriaux de traitement avec les outils à disposition : la concrétisation du programme de rénovation du centre de transfert et de tri à Romainville ; la sortie du moratoire portant sur l’unité de valorisation organique à Ivry/Paris XIII.
Pour concrétiser ces ambitions territoriales en matière de gestion des déchets, vous insistez sur la nécessité de nourrir un élan territorial collectif et solidaire. Comment favoriser cette mobilisation collective ?
Si les enjeux peuvent être différents d’un EPT à un autre, ils ne sont jamais contradictoires. La lutte contre le dérèglement climatique et l’engagement dans la transition écologique et énergétique sont aujourd’hui admis et portés par la très grande majorité des élus, toutes sensibilités politiques confondues. Je fais partie de ceux qui estiment qu’un débat doit précéder toute décision structurante ou stratégique. Au Président du Syctom que je suis de dégager un consensus et l’intelligence collective qui nous permettra de l’atteindre. Pour preuve, un mois à peine après mon élection d’une courte majorité, l’élection du Bureau s’est, quant à elle, faite à l’unanimité.
Les collectivités doivent jongler entre urgence à agir et contraintes budgétaires. Participer à la transition écologique et optimiser les dépenses publiques, est-ce compatible ?
C’est même intrinsèquement lié. Aujourd’hui tout le monde a compris que si nous voulons continuer à nous déplacer ou à nous chauffer, il faudra le faire autrement. Si nous voulons consommer, il faudra le faire autrement. Et si nous voulons un monde demain, il faut agir dès maintenant. Aux coûts d’une gestion innovante des déchets, je préfère donc me concentrer sur les impacts positifs en matière de soutenabilité de notre mode de vie et de préservation des ressources. Rénover des bâtiments coûte cher mais permet de faire d’importantes économies. Pour les déchets, c’est un peu la même chose. Chaque investissement doit être considéré à l’aune de ses impacts écologique et financier.
Bio express
Corentin Duprey est aussi...
- Vice-président du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis en charge des mobilités durables et du développement du territoire depuis juillet 2021
- Vice-président en charge du cadre de vie, du traitement et de la collecte des déchets de Plaine Commune depuis juillet 2020
- Conseiller municipal de Saint-Denis depuis mars 2014